La Cour européenne des droits de l’homme condamne la théorie de l’expropriation indirecte. â´Â ÈÒʵÃÒ¨ÒÃÂì ´Ã. René HOSTIOU

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       Et, tout récemment encore, le 2 février 2006
       Bien connue des pouvoirs publics, la théorie de l’expropriation indirecte permet à ceux-ci d’occuper un terrain privé et d’y engager des travaux, de telle sorte que le propriétaire, dans l’impossibilité de faire prévaloir son droit, n’ait plus qu’à s’incliner, l’administration pouvant ainsi acquérir ledit terrain sans qu’aucune décision prononçant le transfert de propriété ne soit intervenue.
       Marquée du sceau du réalisme, cette théorie présente sans nul doute l’intérêt de permettre au juge de couvrir des irrégularités parfois secondaires et de régulariser des situations souvent complexes. Elle lui évite d’ordonner des démolitions qui peuvent apparaître comme inutilement coûteuses et socialement injustifiables. Elle redonne en toute hypothèse, diront certains, sa place au Droit en permettant de conférer a posteriori un titre juridique à l’occupant qui en était dépourvu.
       Mais c’est aussi l’encouragement au détournement de la loi, la porte ouverte à la politique du « fait accompli », à la violation des droits les plus essentiels. Aux termes d’une impressionnante série de décisions rendues en des termes identiques les 13 octobre, 15 et 17 novembre, 6, 8 et 15 décembre 2005, dans différents dossiers présentant des caractéristiques analogues, desquels il ressort que l’administration avait , en invoquant l’urgence, procédé à l’occupation de terrains appartenant à des particuliers pour y réaliser différents ouvrages « répondant à un intérêt public » sans qu’une procédure d’expropriation n’ait été engagée, la Cour européenne des droits de l’homme vient, pour ce motif, de condamner l’Italie. Qu’il soit purement jurisprudentiel ou qu’il soit inscrit dans la loi, le principe de l’expropriation indirecte ( « occupazione acquisitiva » ou  « accessione invertita ») porte atteinte à « la prééminence du droit » , est en lui-même contraire au principe de légalité , ce dernier impliquant « l’existence de normes de droit interne suffisamment accessibles, précises et prévisibles » , n’est pas « apte à assurer un degré suffisant de sécurité juridique » et ne peut , en conséquence, être considéré comme compatible avec « le droit au respect des biens » , inscrit à l’article 1er du protocole additionnel N° 1 .
       Quels enseignements convient-il de tirer de ces décisions ?
       On se souvient que, contredisant l’analyse traditionnelle des juridictions administratives et judiciaires, la Cour de cassation avait proclamé, il y a plus de dix ans déjà, que « le transfert de propriété, non demandé par le propriétaire, ne peut intervenir qu’à la suite d’une procédure régulière d’expropriation ( Cass. Ass. plén. 6 janvier 1994 , Cts Baudon de Mony C/ EDF ) .
       Si l’on est d’un tempérament optimiste, on estimera par conséquent que les décisions dont s’agit confortent a posteriori la position de la Cour de cassation, le droit français étant, de la sorte, autorisé à se considérer comme prémuni des risques attachés à la théorie de l’expropriation indirecte.
       Si l’on est enclin au pessimisme, l’appréciation risque, en revanche, d’être plus nuancée. Saluée en règle générale de manière positive, l’évolution récente, jurisprudentielle et réglementaire, qui prétend reconsidérer le principe de l’intangibilité de l’ouvrage public en permettant au juge, administratif ou judiciaire, d’apprécier s’il convient d’ordonner la démolition de l’ouvrage irrégulièrement implanté ainsi que la restitution du terrain à son propriétaire ou, au contraire, d’avaliser le fait accompli en indemnisant tout simplement ce dernier ( CE 17 janvier 2003 , Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans ; Décret N° 2005-467 du 13 mai 2005 , art. 24 ) , ne conduit-elle pas, en effet, à faire planer sur les intéressés « le risque d’un résultat imprévisible ou arbitraire » , ce que précisément condamne très expressément la Cour européenne dans les décisions dont s’agit, au nom du principe de légalité ?
       Répondant à des logiques différentes, la jurisprudence de la Cour européenne ne cesse, on le voit , d’interroger le droit administratif des biens. Même s’il s’agit là d’un exercice délicat, intégrer cette culture juridique constitue pour les autorités nationales un impératif, à l’évidence, aujourd’hui incontournable. Les décisions dont s’agit témoignent du danger qu’il y aurait à vouloir ignorer cette nouvelle configuration ou, pire encore, à pratiquer avec Strasbourg le jeu du chat et de la souris


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