LE SERVICE PUBLIC

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       Une première approche, qui nécessitera des précisions, peut être celle qui consiste à définir le service public comme l''activité d''une collectivité publique visant à satisfaire un besoin d''intérêt général. Cette première approche ne rend pas suffisamment compte de la réalité des services publics, notamment par l''intervention de personnes privées ou plus généralement par l''absence de référence aux organismes qui gèrent ces activités dites de service public.
       
       Le service public, que l''on voit parfois qualifié de "service public à la française", est une notion difficile à définir, notion contestée, mais qui répond à une qualification, à un régime juridique très précis.
       
       1 Approche de la notion
       
       Définir le service public n''est pas chose facile dans la mesure où cette notion est apparue sous une forme particulière, elle s''est diversifiée, elle a évolué pour ne plus recouvrir, in fine, qu''une petite part de la notion originellement définie.
       
       • La définition
       
       Le service public semble pouvoir être défini comme "une activité d''intérêt général exercée par une personne publique ou sous le contrôle d''une personne publique et suivant un régime dérogatoire au droit commun". Cette définition, donnée par un juriste contemporain André de Laubadère, semble pouvoir rendre assez fidèlement compte des nuances, des situations ou même des évolutions.
       
       Ainsi, par exemple, l''exercice direct ou indirect de l''activité de service public est possible, les différentes catégories (à étudier après) et le bénéfice de prérogatives de puissance publique peuvent être envisagées par l''utilisation de cette définition.
       
       Reste peut-être à préciser ce que l''on entend par "activité d''intérêt général" ou "utilité publique". Il convient pour cela de se reporter à une définition plus ancienne du service public. Cette définition avait été donnée par le commissaire du gouvernement Latournerie dans une affaire soumise au Conseil d''Etat en 1936 (pour mémoire l''Arrêt Société des Etablissements Vezia) : "Le service public, c''est celui dont l''exécution régulière est réputée par le législateur présenter pour l''utilité publique un intérêt assez important pour être assurée par l''ensemble des procédures de droit public, du moins par l''ensemble de celles que demande le but assigné à ce service, réserve qui explique que par exemple les services industriels et commerciaux ne soient pas munis de la totalité de ces prérogatives". Il apparaît donc clairement que c''est au législateur de fixer ce qu''est l''intérêt public et de fixer par conséquent quels sont les moyens juridiques attribués dans le cadre de ces activités dites de service public.
       
       Cependant, devant l''évolution des services publics, devant l''émergence de nouveaux besoins, de nouvelles activités, un déclin de la notion a été perçu, engendrant de nouvelles constructions.
       
       • Déclin de la notion (SPA et SPIC)
       
       Ce déclin de la notion de service public se manifeste dans une vision historique par une atteinte à son unité et dans une vision fonctionnelle par une remise en cause technique et idéologique, d''où la nécessité de forger parfois de nouvelles constructions juridiques.
       
       L''atteinte à l''unité de la notion
       
       L''atteinte à l''unité de la notion se manifeste au début du 20ème siècle dans la mesure où l''Administration va prendre en charge des activités qui ne relevaient auparavant que de la sphère privée, mais que celle-ci ne peut plus assumer. Dès lors, s''il s''agit d''activités d''intérêt général, l''Administration sera amenée à les assumer, mais en utilisant le droit privé comme l''a rapidement admis la jurisprudence. Ainsi est apparue la notion de service public industriel et commercial qui ouvrait une faille dans la théorie traditionnelle du service public. Dès lors, la rupture (consacrée par une décision en date du 22 janvier 1921 du Tribunal des Conflits dite arrêt "bac d''Eloka") allait conduire à distinguer deux types d''activités et donc de services publics.
       
       D''une part les services publics à caractère administratif, pour l''essentiel relevant de la sphère publique avec utilisation du droit public en particulier du droit administratif. Il convient de préciser que la qualification de service public à caractère administratif n''a été avancée que par opposition à la notion de service à caractère industriel et commercial. Sont donc présumés comme étant à caractère administratifs tous les services qui ne répondent pas aux caractéristiques définies comme étant celles des services à caractère industriel et commercial.
       
       D''autre part les services à caractère industriel et commercial qui peuvent être définis comme ceux que le législateur a qualifié comme tels ou ceux qui répondent à certains critères fixés par le juge. En effet, en l''absence de textes, le juge a dû élaborer une théorie jurisprudentielle afin de qualifier le service. Plusieurs critères ont été dégagés, sachant que les trois conditions sont cumulatives et qu''il faut donc qu''elles soient réunies pour pouvoir qualifier un service de service public à caractère industriel et commercial. Voici donc les critères :
       
       Il s''agit en premier lieu de l''objet du service. L''objet du service doit donc relèver de la sphère privée et peut être assimilé à une entreprise privée. Ainsi, les services qui ne poursuivent aucun but lucratif, les services gratuits ou cherchant uniquement à couvrir les frais engagés sont exclus. Le critère est donc en quelque sorte celui de la "commercialité" du produit puisque ne sont commerciales que les activités ou services rendus contre un prix, constitué à partir du "prix coûtant", du transport, et surtout de la marge qui permet d''accroître le patrimoine. Lorsqu''il n''y a pas but lucratif, on ne cherche évidemment pas à accroître le patrimoine.
       
       En second lieu, il s''agit du financement. Ainsi, pour être considéré comme un service à caractère industriel et commercial, la rémunération doit être principalement constituée de redevances payées par les usagers et non de subventions ou recettes fiscales.
       
       Enfin, dernière condition, celle de l''organisation et du fonctionnement du service. Si l''organisation et le fonctionnement du service sont basés sur des modalités proches de celles de services administratifs, utilisant notamment des règles exorbitantes du droit commun, alors le service sera considéré comme ayant un caractère administratif.
       
       On le voit, le service public à caractère industriel et commercial s''inscrit en exception par rapport au principe qui serait celui du service à caractère administratif. D''autres distinctions ou catégories sont apparues, essentiellement basées sur la nature de l''activité, qui n''ont fait qu''accroître cette rupture, encore renforcée par des remises en cause d''ordre technique et idéologique.
       
       Les remises en cause d''ordre technique et idéologique conduisent à fragiliser davantage la notion de service public, en particulier lorsqu''il s''agit de service public "à la française". La critique a notamment porté sur la faible consistance juridique de la notion puisqu''elle ne reflète pas une réalité uniforme, qu''elle peut conduire à envisager une compétence du juge judiciaire. Alors que l''administration a pour raison d''être la satisfaction de l''intérêt général, intérêt général longtemps présenté comme le critère du service public, on a assisté à une dissociation entre administration, intérêt général et droit administratif ou public.
       
       De plus, la remise en cause technique s''est doublée d''une remise en cause technique au plan européen, pour certains dictée par des considérations idéologiques. Ainsi, la dénonciation des monopoles, des situations de position dominante, des subventions publiques a conduit les pouvoirs publics a reconsidérer la vision française des services publics (cf le rapport sur les services publics, R. Denoix de Saint-Marc, vice-président du Conseil d''Etat français). Cette vision, doublée de considérations sur la suppression des frontières, l''accès aux marchés, la libéralisation des échanges, a conduit à jeter un discrédit sur l''ensemble des services publics entre France, d''autant qu''il y a eu, à certaines périodes, une "inflation" (au sens propre) des services publics (inflation = augmentation quantitative + baisse qualitative).
       
       Ainsi, les pouvoirs publics ont été amenés à une certaine modération dans l''utilisation de la notion de service public ou d''établissement public (cf infra), un des modes de gestion du service public les plus répandus. L''exemple de la transformation de l''administration des postes et des télécommunications illustre parfaitement cette tendance puisque cette institution a été scindée en deux structures en 1990, deux "exploitants autonomes de droit public". Les caractéristiques juridiques des nouvelles entités n''étaient en rien différentes de celles d''établissements publics. La dénomination "établissement public" à elle seule aurait suffit à jeter le discrédit sur les nouvelles structures.
       
       Au-delà de la notion d''établissement public, un débat a été lancé sur la question de la survie ou non du service public à la française face aux notions développées par le droit communautaire (de l''Union Européenne), celles de service économique d''intérêt général (notion finalement relativement proche du service public "à la française") et celle de service universel (sorte de service minimum accessible à tous à un prix abordable) pour lequel les principes juridiques semblent assez proches des principes applicables au service public "à la française".
       
       2 La prise en charge juridique
       
       La caractéristique première et générale du service public est la prise en charge par une personne publique. Ainsi, le régime juridique applicable aux services publics doit être abordé et la situation de l''usager doit être précisée comme étant particulière à chaque type de service public envisagé.
       
       • Le régime juridique
       
       Il convient ici de préciser les règles qui président à la création et à la suppression des services publics avant d''envisager les grands principes (généraux, directeurs ou encore lois selon les auteurs) qui constituent un fond juridique commun aux différents types de services publics en précisant les particularités de chacune des catégories (à caractère administratif et à caractère industriel et commercial).
       
       La création et la suppression des services publics
       
       Le régime de la création des services publics n''est pas prévu dans le texte constitutionnel qui prévoit, en revanche (cf infra), la création de nouvelles catégories d''établissements publics et qui prévoit en outre que sont dans le domaine de la loi fixé à l''article 34 bon nombre de services publics déterminés. De plus, dès lors qu''une création de service public est susceptible de porter atteint à une liberté publique, il faut une intervention législative. Ainsi, directement ou indirectement, le législateur est concerné par la création de services publics, même si, dans le cadre législatif, la création peut relever par exemple d''une autorité décentralisée en application du principe de libre- administration des collectivités locales.
       
       Pour ce qui concerne la suppression des services publics, le principe est celui de la compétence réglementaire, exception faite des services créés par la loi. Il s''agit donc d''une compétence de l''autorité gouvernementale pour les services publics nationaux et de l''autorité décentralisée pour les services publics locaux. Cela dit, il convient de préciser encore que les usagers n''ont pas de droit au maintien des services publics dont la suppression a été jugée nécessaire par l''autorité compétente.
       
       Les grands principes du service public
       
       Le service public répond à un certain nombre de principes (Lois de Rolland) qui encadrent l''activité. Ces principes sont l''égalité devant le service public, la continuité et la mutabilité (adaptation aux changements), auxquels on peut ajouter le principe de neutralité et le principe de gratuité.
       
       L''égalité devant le service public apparaît comme étant l''un des aspects de l''égalité des citoyens devant les charges publiques. Ce principe d''égalité est d''application générale, aussi bien en ce qui concerne les services publics administratifs qu''en ce qui concerne les services publics industriels et commerciaux. On peut même ajouter que ce principe a une valeur constitutionnelle par assimilation dans la mesure où cette valeur a été reconnue au principe d''égalité devant la loi (C.C. 27 décembre 1973). Une limite doit être apportée au principe dans la mesure où la situation d''égalité ne peut s''appliquer que lorsque les usagers du service sont dans des situations comparables. Le Conseil Constitutionnel (C.C. 16 janvier 1982) a précisé que ce principe "ne fait pas obstacle à ce qu''une loi établisse des règles non identiques à l''égard de personnes se trouvant dans des situations différentes" lançant ainsi la validité du principe de la discrimination positif. L''égalité ne doit donc pas être comprise comme une égalité au sens strict, mais au contraire comme exigeant un traitement différencié pour des individus en situation d''inégalité au départ, pour tendre, à l''arrivée, vers un plus grand équilibre.
       
       La continuité est un principe normalement applicable aux services publics administratifs (ex : l''expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire) mais également aux services publics industriels et commerciaux. La difficulté provient essentiellement de la compatibilité de ce principe avec le droit de grève reconnu comme constitutionnel. Ainsi, des modalités ont été prévues afin d''organiser le fonctionnement des services, par la réquisition des personnels, la mise en place d''un service minimum ou par l''organisation statutaire des personnels. Ce principe se double du droit au fonctionnement correct des services.
       
       La mutabilité ou l''adaptation répond à l''exigence de satisfaction de l''intérêt général, but ultime du service public. En effet, le service public doit pouvoir s''adapter aux nouveaux besoins qui se font jour. Ainsi, les usagers n''ont pas droit au maintien des services publics dès lors qu''ils ne répondent plus à un besoin d''intérêt général. La conséquence la plus évidente est que la réglementation ou les institutions peuvent changer.
       
       La neutralité est l''une des conditions de base dans la mesure où seul l''intérêt général doit être retenu pour objectif du service public. Aucun service public ne doit privilégier certains intérêts particuliers, ni être utilisé avec une vision partiale.
       
       Le principe de gratuité s''applique lorsque cela est prévu par la Constitution ou par la loi. En dehors des textes le juge administratif se détermine en fonction de la loi du service. Les prestations auxquelles ont droit les usagers d''un service créé à cette fin sont fournies gratuitement. En revanche, lorsqu''il s''agit de prestations facultatives, il peut y avoir rémunération des prestations à condition évidemment qu''il ne s''agisse pas d''un prolongement normal des missions du service.
       
       Le régime juridique des services publics administratifs présente la particularité d''être placé sous le régime du droit administratif (si évidemment le service est géré par une personne publique). Dès lors il pourra y avoir utilisation de procédés de droit public (recrutement, contrats, actes…).
       
       Le régime applicable aux services publics à caractère industriel et commercial est sensiblement différent de celui des services publics administratifs puisqu''il s''agit d''un régime mixte. En effet, ce régime combine des éléments de droit privé, dus à la nature industrielle et commerciale de l''activité et aux modalités d''organisation du service (largement empruntées à la sphère privée) et des éléments de droit public essentiellement justifiés par le fait qu''il s''agit d''une activité qualifiée de service public. Ainsi, certains services auront la possibilité de bénéficier de procédures de droit public comme passer des contrats administratifs, d''avoir des personnels ayant la qualité d''agents publics (essentiellement des personnels de direction) …
       
       La différence essentielle réside dans le régime contentieux et donc la situation juridique des usagers.
       
       • Les usagers
       
       La situation juridique de l''usager d''un service public administratif, comme celle du candidat à l''usage du service, est relativement claire : il s''agit d''une situation légale et réglementaire de droit public. Ceci implique que l''usager (et le candidat) a droit au fonctionnement correct du service, mais qu''il pourra voir sa situation à l''égard de ce service modifiée unilatéralement par l''Administration. En tout état de cause, le contentieux relèvera de la compétence des juridictions administratives.
       
       Pour ce qui concerne l''usager d''un service public industriel et commercial, il est admis qu''il se trouve dans une situation contractuelle de droit privé avec le service. La jurisprudence a établi un "bloc de compétence judiciaire" en posant le principe de relations de droit privé sans exception.
       
       Le service public caractérise une activité. Cette activité doit bien évidemment être gérée. Pour assumer cette gestion, différents systèmes peuvent être mis en œuvre, notamment l''établissement public, qui lui est un organisme.


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